En italie, il n'y a que des vrais hommes de L. de Santis & S. Coloane

"En Italie, il n'y a que des vrais hommes" c'est avec cette phrase commise par Mussolini dans les années 30 que débute une période sombre de l'histoire des homosexuels en Italie. Contrairement aux préceptes nazis qui condamne les homosexuels à porter le triangle rose et les déporte, l'Italie est dans le déni le plus complet. Il n'y en a pas, ça n'existe pas. Alors faute d'une "législation", ce sont aux préfets de région de décider de leur sort , et la plupart les condamne à l'exil sur de petites îles du sud de l'Italie, en condamnant les homosexuels en tant que criminels politiques.
Dans ce documentaire graphique, deux journalistes enquêtent sur ces déportations et rencontrent Antonio dit Ninella, un homosexuel déplacé à San Domino, dans l'archipel de Tremiti. Aujourd'hui âgé de 75 ans, il revient sur son histoire avec difficulté quelque peu bousculé par l'un des deux journalistes.
Entre présent et flash-back, l'histoire de Ninella se construit peu à peu: la honte des familles, l'honneur des déportés qui gardent la tête haute, et les relations qu'entretiennent tous ces hommes exilés, leurs joies, leurs peines, leurs histoires d'amour aussi.

Une bande dessinée très sensible mais qui jamais ne verse dans la sensiblerie de mauvais goût, En Italie, il n'y a que des vrais hommes raconte ce qui n'est presque jamais dit, et encore moins dans le genre de la bande dessinée. J'ai beaucoup aimé la vision des journalistes, dont l'un ne voit en Ninella qu'un témoin, un matériel pour ses recherches... Comme nombres d'historiens, il en oublie l'homme, celui qui vibre et qui souffre.
Quant au graphisme, le pari est réussi: pas de colorisation excentrique et de mauvais goût, l'encrage et l'aquarelle apporte à ce récit parfois difficile sa touche d'authenticité.
Et puis, quoiqu'on en dise, cette histoire est toujours d'actualité, car si les lois de certains pays ont évolués (et elles ont pris leur temps), l'homosexualité est toujours considéré comme une maladie mentale, voire un crime passible de la peine de mort dans de nombreux pays.
Edit: un petit conseil pour mieux apprécier la BD, lisez la préface et la postface après...
En Italie, il n'y a que des vrais hommes de Luca De Santi & Sara Colaone, Dargaud, Janvier 2010
« 11 juin 1981, le ministre de l'intérieur, Gaston Defferre, supprime le groupe de contrôle des homosexuels à la préfecture de police et les fichiers les concernant. »
« Le 12 juin 1981, le ministère de la Santé n'accepte plus de prendre en compte l'homosexualité dans la liste des maladies mentales de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé). »
« L'homosexualité est définitivement rayée par l'OMS de la liste des maladies mentales le 17 mai 1993. C'est, cette date qui servira pour la commémoration de la journée internationale contre l'homophobie. »
(Source: www.devoiretmemoire.org/memoire/histoire_homosexualite/index.html)