D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère
Bouleversant, pudique, criant de vérité et d'humanité
Si on m'avait dit que je dirais ça un jour en parlant d'un roman comme celui-ci... En effet, on a beaucoup parlé de ce roman à sa parution et si les critiques étaient dithyrambiques, je place souvent ce genre d'histoire dans la case "pas pour moi". Car les histoires vécues ne me plaisent pas franchement (les histoires des autres je m'en fous un peu beaucoup, c'est sans coeur, mais voilà), qu'elles jouent beaucoup sur le pathos et versent plus souvent qu'à leur tour dans un misérabilisme que je deteste.
Du coup, j'ai saisi l'excuse du challenge de Pimprenelle pour lire cet auteur que je ne connaissais pas, mais surtout pour lire ce roman que je n'aurai jamais saisi, histoire de m'en faire une idée.
L'histoire en quelques mots:
L'auteur était en vacances au Sri Lanka avec sa compagne et leurs enfants lors du Tsunami de 2004. Là bas, ils ont fait la connaissance d'un couple de français, parents d'une petite fille de 4 ans, Juliette, qui sera emportée par la vague. Dans le même temps, la soeur de sa compagne tombe gravement malade. Cette jeune femme de 30 ans, prénommée elle aussi Juliette, décède d'un cancer en 2005, laissant derrière elle son mari et leurs 3 filles.
C'est avec une douceur inouïe que Carrère, que l'on décrit souvent comme égocentrique et très noir, parle de ces histoires. Petit à petit, il reconstruit la vie & la douleur, interroge autour de lui pour tenter de faire vibrer ces deux Juliette. Bien entendu, D'autres vies que la mienne n'est pas seulement cela. Car à travers ces évenements, c'est son rapport au monde et aux autres que Carrère interroge, d'ailleurs comment parler de ce qu'il décrit comme ses plus grandes peurs: perdre un enfant et perdre la femme qu'on aime. Mais il y parvient avec beaucoup de tact et de génie. Et sans jamais devenir mièvre, ce qui est étonnant car en lisant ce roman, je n'ai pas pu m'empêcher de pleurer et de pleurer, secouée par l'emotion, par ces mots qui touchent et qui résonnent au plus profond de soi, par tout ce qui effraye de manière irrationnelle et animale.
De l'emotion à la mièvrerie, il n'y a souvent qu'un pas, et Carrère fait l'équilibriste avec brio, sans une fausse note si ce n'est le bruit des très nombreux mouchoirs que j'ai utilisé pour finir ce roman. Rien que d'y repenser, j'en frissonne...
D'autres vies que la mienne d'Emmanuel Carrère, P.O.L., 2008
Les avis d'Esmeraldae, Sylire, Cuné & Stephie. Et bien sûr BOB